Les huîtres qui empoisonnent et moi et moi et moi

Hier, samedi, un appel qui faisait écho à ceux de fin décembre :

– « J’ai mangé vos huîtres et elles m’ont rendues malade ».

Il m’a fallu la nuit pour digérer ma réaction.

Ce dont je vais parler ici, n’est que mon ressenti et n’engage en rien la responsabilité d’une autre personne.

Bref, j’ai eu une réaction épidermique et absolument pas intelligente : je n’ai pas cru cette dame.

Je ne crois plus aucune personne qui appelle et qui me dit que mes/nos huîtres les ont rendu.e.s malade.s.

Pourquoi ?

J’ai beaucoup d’arguments.

Le premier est que j’en mange moi-même sans qu’aucun symptôme ne me touche, appelons cela le « test qualité épidémiologique auto-suffisant ».

Le deuxième est que je dispose d’analyses, une fois par mois au moins, qui donne la bonne santé épidémiologique de nos coquillages. Le virus de la gastro « norovirus » a une durée de vie suffisamment longue dans la chair de l’huître pour que l’on sache qu’à une semaine près elles ne transportent pas le microbe.

Le troisième est qu’il y a les analyses du bassin versant qui sont faites avec autant de fréquence que nécessaire après chaque épisode « accidentogène » façon fortes pluies ou débordement de stations. Il faut savoir qu’il n’y a plus rien à laver sur nos sols tout à fait largement lessivés depuis cet automne…

Le quatrième est le suivi « ressenti des pharmacies » volontaires qui notent les cas de gastro dans les communes littorales volontaires. Il est au vert en ce moment en Bretagne.

Le cinquième est que quand nos huîtres rendent malade, nous n’avons plus le droit de les vendre et qu’elles n’auraient pas été présentes au salon.

Ce sont des données objectives, factuelles, plus fiables que les bulletins météo de mars.

À cette dame qui a dit qu’une de nos huîtres l’a « empoisonnée », j’aurais dû répondre que j’étais désolée. En vrai, je le suis.

En vrai aussi, je n’en peux plus de cette injustice qui touche notre profession, bien trop facilement attaquée parce qu’elle a voulu mettre en place un outil de contrôle, de surveillance, pour le bien être du consommateur, et que cet outil se retourne contre nous.

Le norovirus de la gastro existe depuis toujours. Depuis tous les hivers.

En revanche, il n’est recherché dans les huîtres que depuis moins de dix ans.

La période de covid qui a restreint nos interactions sociales a laissé des traces : nous sommes devenus plus « fragiles ».

En ce qui me concerne, je n’ai pas été malade une seule fois à cause des huîtres. Cette année j’en ai mangé plus que jamais, pour défendre notre production, parce que je suis sûre de ce que nous faisons et et que j’ai confiance en nos instances de surveillance de la qualité d’eau. J’ai également l’antériorité de mon patron de mari qui a été à l’origine de cette bonne qualité d’eau, avec tout le travail qui a été fait autour du bassin versant et qui a donné naissance à ce merveilleux outil qu’est le Syndicat Mixte de la Ria d’Etel, SMRE pour les intimes.

Il va de soi que rien n’est acquis. Que nous ne sommes pas à l’abri d’une pollution, confère cette interdiction de vente due au norovirus que nous avons connue en janvier et février 2020, juste avant le Covid, à cause d’une station de lagunage défaillante. Depuis que la nouvelle station d’épuration a été mise en route, en juillet 21, nous n’avons pas connu de fermeture (je croise les doigts).

À cette dame de Paris, lors de ce salon où nous avons vendu beaucoup d’huîtres ouvertes en assiette, j’aurais pu dire que mon mari a mangé beaucoup d’huîtres du même lot car il mangeait les huîtres ouvertes en démonstration dès que le temps était venu de le faire.

Nous avons également appris qu’une gastro circulait dans ce salon, où les allées étroites, la promiscuité des stands en intérieur, la douceur de l’air humide, ont pu aider à la propagation du virus, sans même qu’un coquillage n’ait été mangé.

À cette dame j’aurais pu dire que si sa voisine avec qui elle mangé les huîtres a été malade aussi, c’est peut-être parce que c’est sa voisine et qu’elles se fréquentent souvent, se font la bise ou se serrent la main.

Depuis ce salon, je n’ai pas été malade, j’ai pourtant mangé des huîtres, mais, je suis restée presque toujours en extérieur, là où était notre stand et je n’ai fait la bise à personne parce que j’ai désappris la bise. En revanche j’ai serré des mains. Et comme je fais souvent à manger, je me lave très souvent les mains.

Sans vouloir donner des leçons à cette dame et à tous ceux qui nous ont parlé des « huîtres qui empoisonnent » je dirai de se poser les bonnes questions. Il arrive que la gastro coïncide avec une dégustation d’huîtres, mais il n’y a pas forcément corrélation.

Le bénéfice/risque de manger une huître est propre à chacun. Les symptômes de la gastro sont particulièrement désagréables, mais le manque d’iode, de vitamines et d’oligo-éléments, tout ce que l’on peut trouver dans une huître, est dommageable, en dehors du plaisir que l’on peut avoir au niveau gustatif.

J’aurais pu dire à cette dame que j’étais désolée et que j’espérais qu’elle allait vite aller mieux, mais la psychose qui règne autour de notre profession est si forte que je n’ai eu qu’agacement. J’espère qu’elle. l’aura compris (j’en doute, j’ai été assez sèche).

Pour résumer, oui les gastro entérite c’est une plaie, sans doute persistante à cause du réchauffement climatique et de ce froid que nous n’avons pas eu assez longtemps pour qu’il fasse le ménage dans les virus. Oui, parfois une huître peut rendre malade mais en général elle n’attend pas.

Nos collègues connaissent une baisse des ventes assez conséquente de l’ordre de 20 à 30%. Le prix de l’huître vendue sur le marché de gros a tellement diminué qu’il vaut mieux les laisser sur parcs, sinon c’est vendre à perte.

Il n’y aura sans doute pas assez de place pour le naissain qui va arriver.

Alors, dans cette ambiance sinistre, je ne peux plus entendre que nos huîtres empoisonnent. D’autant plus que ce virus tout pourri est transmis de l’humain à l’huître via nos déchets organiques.

Vive l’ostréiculture et ses sautes d’humeur !

Les huîtres du salon… citron citron.

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