…Ça repart !
(ok, c’est générationnel. En plus, on est le 21)
Youpi !
Nous sommes comme des ours sortant de leur grotte, nous finissons notre période d’hibernation et nous avons le nez qui cherche, qui fouille, qui flaire : quand est-ce qu’on mange ?
Les huîtres ont lutté contre le froid, elles ont capté le moindre élément nutritif passant à leur portée. Elles ont baillé tant que tant puisque bien souvent les marées ont été courtes voire inexistantes cet hiver, avec un niveau d’eau remarquable, laissant aux petits cailloux un temps infini pour filtrer.
Le patron a cédé ses bottes contre une combinaison de plongée afin d’accéder aux poches sur tables quand il a fallu faire un complément d’huîtres fin décembre. Situation inédite, mais sans doute qu’à la saison prochaine nous serons au moins deux à prévoir la combinaison.
L’adaptation, maître mot de l’ostréiculture.
Alors voilà, comme dit Baptiste.
Nous sommes le 21 mars, jour premier du printemps calendaire, et devant moi la mer scintille. Le résumé du rapport du GIEC est disponible depuis hier à qui veut bien le lire et en tirer les conséquences nécessaires, à court terme. A court terme.
Dans mon ancienne vie, dans un travail que j’ai quitté par incompatibilité morale, on m’apprenait les mots « appétence » et la notion de « créer le besoin ». Aujourd’hui, j’espère que la notion de « sobriété heureuse » a encore de l’avenir, dans l’idée que cette sobriété soit un choix et non quelque chose que l’on subirait.
Toute philosophie de vie à part, ce premier jour de printemps, c’est le moment de faire un petit bilan des activités ostréicoles isn’t ?
Nous ne sommes plus que 3 ou 4 au chantier, mais nous avons de quoi occuper tout le monde. La fin de l’hiver, c’est le moment où l’on se pose, et les bonnes questions aussi. Etat des stocks, perspectives d’avenir, nettoyage des parcs, au sol et en sur-élevé, avec le remplacement de quelques tables, la mise en place de nouvelles rangées pour faire travailler le courant et tenter de limiter l’envasement.
Au sol, la herse ou la barre et les chaînes, vont araser, décoller, soulever, un petit coup de frais comme d’ouvrir les fenêtres de la maison un jour de grand soleil, le binage marin. Je bine, tu bines, il transpire et la terre respire.
Quand la mer est basse c’est au tour du râteau et de la fourche, un travail qui peut paraître ingrat, qui fait souffrir le dos et les épaules, met quelques cals aux mains, mais qui est tout à fait satisfaisant quand aucun caillou ne reste en bordure de parc, pas d’oubli sauf involontaire, que la place est nette, prête à accueillir de nouvelles huîtres, des « petites » par exemple, qui seront semées du pont du chaland.
Une huître s’élève sur au moins trois ans. Chaque saison s’occupe d’une génération en priorité, car c’est la météo qui donne le rythme : la pluie, le vent, le soleil, soit les nutriments, l’oxygène et la photosynthèse vont faire évoluer le milieu, biotope, dans lequel l’huître vit et se développe ; la fin de l’hiver est une période de latence pour le phytoplancton qui est moins diversifié.
C’est plus l’apport d’eau douce venue du ruissellement de la terre qui va nourrir les espèces végétales qui font le bonheur des huîtres. Quand il ne pleut pas, les eaux marines s’appauvrissent. Les ostréiculteurs se pressent donc pour que toutes les petites huîtres soient en place, en sol comme en poche, avant l’arrivée du printemps, le vrai, celui qui se voit dans l’eau avec le bloom (efflorescence ) de plancton.
Si les huîtres sont bien en place, elle vont pouvoir profiter de la richesse de l’eau, des variétés de plancton et se gorger de saveurs dont l’humain pourra aussi bénéficier : aucune huître n’est meilleure que celle du mois d’avril ou mai.
Ainsi, c’est une saison impatiente, qui bout, frémit, et nous sommes sur les charbons ardents de bientôt recevoir le naissain, courant avril, qui sera l’huître dégustée en 2025 et 2026.
Mais d’ici-là, l’eau de la Ria aura coulé sous le pont…
Bravo pour cette description de votre metier et de l’Etre Vivant qui partage vos heures.
Vous m avez donné envie de manger vos huîtres à cette lecture à 00:03.
Je suis en Normandie à Houlgate, gourmand d huîtres.
Pour savoir si vous avez des distributeurs dans le Calvados que je puisse me régaler.
Merci !