L’autre jour, le monde entier a appris la nouvelle : AᗺBA sort un nouveau disque ! juste au moment où l’on parle, même dans la presse, du retour de l’huître plate ! N’est-ce pas une étrange synchronicité ? Si ça se trouve, Abba ne chantait plus parce que les huîtres plates avaient disparu !
Qu’est ce qui fait qu’une espèce endémique disparaît ou ne donne plus signe de vie ? Pourquoi Abba a cessé de chanter ?
Le trop plein ? La sur exploitation ? La maladie ? La cohabitation ?
Une étude de 1985 faite sur les épizooties de l’huître plate par Henri Grizel, est éclairante sur l’historique des événements.
Le premier parasite apparu en 1969, la Martéliose, révèle une influence de l’environnement sur son évolution : une brusque variation des paramètres physico chimiques du milieu de l’huître, génère un stress qui diminue la résistance du mollusque. En parallèle, les observations faites, permettent de dire que d’autres conditions physico-chimiques, ou les seuils de variation de la salinité, freinent la progression du parasite, voire empêchent sa progression.
Pour résumer très (trop) vite, chez les huîtres élevées en eau profonde dans des baies ouvertes (salinité, courantologie, volumes d’eau…), la maladie est moins prégnante.
En revanche, le point commun à toute les zones quelles qu’elles soient est l’influence négative des transferts, d’une zone à une autre. Leur interdiction permet de mettre en place des cordons sanitaires qui protègent les zones non infestées.
Au moment où l’on observe une amélioration dans la gestion des stocks d’huîtres plates, un deuxième phénomène intervient, entre 1979 et 1980 (ok, c’était aussi avant la séparation des Abba), la Bonamiose, un parasite qui lui, attaque les huîtres de tous âges mais moins les jeunes (contrairement à la Marteliose). L’influence de l’environnement n’est pas un facteur évident ni au niveau des températures, ni de la salinité et on retrouve la bonamiose autant en eau profonde qu’en zone intertidale. Le haut pouvoir pathogène de Bonamiose paraît remarquable.
En 1982, Abba se sépare, crise conjugale, il n’y aura plus d’huîtres à table, c’est Waterloo.
Les expériences faites démontrent l’influence forte des transferts dans la propagation de la maladie. De même que les semis en faible densité en eau profonde diminuent les risques de dispersion du parasite.
Parfois, souvent, je me demande pourquoi les ostréiculteurs (et les politiques!) ne savent pas reconnaître que l’histoire se répète ! Ou bien qu’ils ne savent pas l’histoire ! et pourtant, elle les concerne en plein : les densités, nom d’un pti bonhomme, les densités ! Non, il ne FAUT PAS chercher à retrouver le niveau de production d’avant les mortalités (celles de 2007, pour les creuses, avec l’éradication de toute une génération de naissain !) : les conséquences sont tellement évidentes, et déjà vécues : les huîtres pompent sur le milieu de quoi vivre et se nourrir, plus elles sont nombreuses, plus elles mangent, plus elles prennent la ressource d’autres espèces et limitent la biodiversité qui pourtant est une arme efficace contre les maladies et autres parasités ! De plus, un virus ou autre se propage moins vite s’il rencontre des difficultés à passer d’un hôte à un autre … C’est tellement évident.
Et on a eu un Chagrin d’Amour pour remplacer Abba, divorcés.
Parfois j’ai l’impression d’avoir commencé à écrire ce billet depuis que j’écoute Abba. J’ai déjà passé de nombreuses heures, journées, semaines, les années passées, à tenter de comprendre l’ostréiculture, de ses origines à aujourd’hui. Or, il se trouve qu’ici, inutile d’écrire quoique ce soit sur l’ostréiculture sans parler de l’huître plate. À elle seule, elle est l’ostréiculture, de toute sa rondeur à tout son parfum.
Je ne suis pas photographe, j’aime juste prendre des photos, mais le casting de l’huître plate, celle de Listrec, née ici, à l’origine de ce que nous sommes, m’a presque détournée de mon objectif. L’oeil voit, l’esprit traduit, le coeur parle, et le paysage s’accroche aux aspérités de la coquille. Comme si la rivière déteignait sur elle, ou bien peut-être que c’est la plate qui a donné son dessin à la rivière
Au début des années 2010, un peu après que l’ostréiculture soit entrée dans son nouveau cycle de crise, celui des mortalités de naissain d’huîtres creuses (densités ? ), Jean-Noël mais aussi Jean Mahéo, se sont dit que voir quelques huîtres plates de ci de là sur les parcs, était peut-être le signe d’une forme de renaissance de l’espèce, ou tout du moins que les parasites avaient disparus et laissaient la ressource se régénérer. Après analyses par le laboratoire d’Hélène Cochet qui a constaté que la Bonamiose ne faisait plus partie des habitants de la Ria, les deux « anciens » comme ils aiment à dire, ont tenté de mettre en place un programme de dynamisation du banc naturel d’huîtres plates, qui avait fait de la Ria d’Etel un lieu propice à l’ostréiculture à la fin du XIXè siècle. Cela consistait à mettre en place, dans le chant où se trouve le banc amodié, des collecteurs (soit de petits graviers) au bon moment (en fonction de la température de l’eau, la salinité, la marée de la Saint-Jean et l’évolution de la laitance) et au bon endroit (là où personne n’irait pêcher et où le banc persiste à survivre)
J’ai assisté à ces opérations, comme à un jeu de hasard qui donnait à la nature le choix de décider ce qu’elle voudrait faire de nos espoirs !
L’huître plate est un bivalve compliqué, qu’il faut choyer. Elle a besoin de tant de paramètres favorables pour se développer, qu’un caillou dans un engrenage pas très vaillant, reporte aux calendes grecques les résultats escomptés. Trop de pluie, trop de froid, trop d’amplitude thermique et que sais-je encore, la prise ne s’est pas faite rapidement.

Un jour pourtant, où nous traînions nos bottes sur le sol, à scruter la végétation, ou bien la pousse des huîtres creuses, nous avons vu comme une sorte de petit miracle, de nombreuses petites, toutes petites huîtres plates, joncher le parc, comme de petits écus dorés, reflétant la lumière du couchant. Plein. Il y a fait « plein » de plates. Comme dit Jean-Noël, en partant d’un stock de zéro, trois ça fait déjà « plein ». Il n’empêche. Presque superstitieux nous n’avons pas moufté, encore dubitatifs, encore incertains.
Tu vois, cette année à Dunkerque, il y avait de ces plates là, à qui l’on a donné le nom de Tonnerre de Listrec, parce que l’histoire de la famille, parce que ça sonne bien, parce que c’est l’huître qui a fait ce que nous sommes, ce qu’ils sont depuis 1895, que Vincent Tonnerre a obtenu la concession de ce parc sur lequel nous déambulions, et depuis 2013 que ce parc est revenu dans l’entreprise, comme pour fermer un cycle, ou remettre les choses en place : des huitres plates sur les parcs.
(Et Abba en Voyage).
Chers producteurs Jean Noel et Tifenn
J’ai fait notre achat ce soir au magasin BioCoop de Thionville en Moselle et je tiens à vous dire que nous sommes ultra contents de notre dégustation avec mon épouse. Le sujet diploïde ou triploïde mérite d’être vulgarisée et surtout n’est plus un sujet de militantisme, mais bien de santé publique, au delà de la qualité du produit lui-même.
Nous savons que le chemin, le votre est parsemé d’embûches, mais gardons l’espoir qu’il est le seul valable.
Sachez compter sur nous comme vos nouveaux ambassadeurs et espérons que le magasin de Thionville sache rester approvisionné!
Cordialement
Guy Brandenbourger
J’ai tardé à répondre mais voilà ! Merci beaucoup, nous sommes heureux de vous lire ! A bientôt !