L’intention

Commencer un article sans trop savoir quel titre on va y mettre, c’est tout un programme. De fait, une idée me vient, et l’intention d’écrire là-dessus s’invite.

Ça a commencé ce matin, à l’emballage.

On appelle « emballage » l’action de mettre les huîtres en panier, des paniers commandés la veille ou quelques jours avant.

En ces temps qui ne ressemblent à aucun autre temps déjà vécu, nous prenons conscience encore plus fort du lien qui nous unit à celles et ceux qui dégustent nos coquillages chéris.

Notre production ne fait pas partie des produits de première nécessité comme le pain et l’eau, ou comme la farine apparemment. Néanmoins, il est indéniable que l’atteinte au moral d’un confinement long, rend l’huître presque indispensable, pour se remettre du baume au coeur.

Manger une huître au fin fond d’un studio parisien dont la vue se dégage devant le mur de l’immeuble voisin, c’est entendre le chant des mouettes, sentir le sel sur sa peau, et le coeur battre quand la vague nous chahute.

Je crois que ça peut ressembler à ça.

Des statistiques disent que l’huître évoque, avant même le goût, un souvenir plaisant, un moment de bonheur, de fête.

Ce matin, alors que je comptais mes « mains » d’huîtres, je pensais à la personne qui allait ouvrir ce panier, sentir le parfum de l’iode qui ne disparaît jamais vraiment, découvrir peut-être une algue oubliée, mais certainement voir apparaître les coquilles aux couleurs variées.

L’avantage de travailler comme nous le faisons, est ce contact quasiment direct que nous avons avec la personne qui commande. Nous nous sommes déjà vus, que ce soit ici ou là-bas, nous nous sommes parlé, nous nous connaissons.

Ma première main de la bourriche. Pour celle-ci, il y aura 5 mains.

En mettant mes huîtres bien à plat dans le fond du panier, j’avais des visages, des sons de voix, un lien, avec toi qui va manger ce coquillage.

Alors, en posant cette huître un peu verte, je t’expliquais qu’elle a passé la majeure partie de sa vie au sol, c’est pour ça qu’elle est lourde, costaud, irréductible. C’est une huître qui s’est baladée sur ce sol un peu vaseaux, un peu sableux, qui a roulé un peu plus loin les jours de fort courant, qui a dû se défendre contre des petits crabes verts ou contre une dorade gourmande, c’est une huître qui a du répondant, du caractère. Elle a survécu aux éléments, elle est forte, elle est belle, elle se mérite.

J’ai senti aussi sur mes mains nues, l’aspérité, parfois le tranchant d’une huître, qui a profité, dans une poche elle, de toute cette nourriture qui est venue au printemps, grâce à la pluie, grâce au beau temps, la chaleur, le soleil et sa lumière, tout ce qui créé un moment de vie joyeux, qui bloome le plancton comme jamais, qui change la couleur de l’eau, nourricière. Cette huître là porte encore parfois une « pousse » que le passage dans la trémie n’a pas cassée, et dont il faudra te méfier quand tu mettras l’huître dans ta main.

Nous aussi on se fait plaisir. On goûte, on vérifie. On apprécie encore plus.

Bien sûr, je ne te connais pas tous, tu es trop nombreux. Mais si je sais où tu achètes tes huîtres, je sais un peu comment tu consommes et ce que tu manges. Alors je devine à quoi tu penses, quelle est ton intention.

Je crois que je viens de trouver le titre de ce billet : l’intention.

Tu te fournis au plus près du producteur, c’est là qu’est notre circuit. Tu cherches une qualité de produit, une histoire aussi. Tu sais qu’en passant là, dans cette petite boutique, dans ce « point relais », tu paies au juste prix le travail qui te permet ce plaisir gustatif, ce moment suspendu où tu te donnes le droit du plaisir.

Tu vois, je te connais.

Saches que je pense à toi dans chaque huître qui passe de ma main à la tienne. Tu es dans mes pensées quand je cercle la bourriche. Je fais comme si c’était un cadeau. Le cerclage c’est le ruban doré de ce présent.

Nous avons été en panne d’emballages ces dernières semaines, on est revenus à un couvercle « neutre » et on a dû mettre trop d’huître dans un panier trop petit, alors c’était un peu bombé, ça débordait.

J’avais grand plaisir ce matin à revenir à nos paniers jolis, à la bonne taille avec le bon couvercle.

Ce couvercle aussi a une hsitoire, en plus de celle qu’il raconte sur son verso. C’est notre petite cousine qui l’a créé avec nous. On a parlé ensemble, on savait déjà ce qu’on voulait bien sûr, mais elle a sublimé notre souhait. Je lui ai donné une photo pour qu’elle en prenne modèle pour son aquarelle, nous lui a vons parlé de ces huîtres qui voyagent de chez nous à chez toi, le timbre de la poste, le tampon de la malle, une aventure à elle toute seule cette bourriche, qui a tant de choses à dire.

Ce matin, à l’emballage, je mettais toutes les meilleures intentions du monde dans les paniers, et je crois que tu le sais.

Parce que nous recevons tes messages, par sms ou par mail, parfois on nous les transmet aussi. Et puis je vois des photos de ci, de là sur les réseaux où nous sommes, parce que c’est ainsi maintenant que passent les nouveaux langages.

J’avais l’intention d’écrire un billet sur l’intention que je mets, au soin que je te porte.

Et finalement je crois que je veux juste te dire Merci.

1 commentaire

  1. Merci à vous.
    Je sais maintenant pourquoi vos huîtres ont ce parfum et ce goût délicieux ! Toute cette attention apportée pour nous amateurs d’huîtres. C’est toute la différence. Quelle joie, quel bonheur d’avoir un petit peu de vous ici dans nos appartements parisiens. A bientôt.

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