Etat des lieux

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(Aucune des photos suivantes n’a de rapport avec l’ostréiculture, c’est une fantaisie de ma part de liberté dans la rédaction de ce blog. Et j’aime ça. Mais ce sont mes photos, je n’ai rien chipé, ça ne fait pas partie de mes pratiques)

Et l’on nous demande souvent : « Vous aussi vous avez des mortalités? »

Il faudrait sans doute rester prudent, rester modeste, faire comme les autres, faire le taiseux, le sceptique, l’angoissé, le timide, le peureux, l’incertain, le malheureux, le malchanceux.

Non. Non, nous n’avons pas de mortalités, répond-on, bienheureux.

La prudence devrait nous laisser dubitatifs, peut-être.

Mais l’expérience nous donne la parole, et nous fait dire ce qui est : non, nous n’avons pas de mortalités.

Alors quand un mieux informé que nous envoie cet article du Parisien,  ou bien la télé, nous nous étonnons : « ah? serions-nous sur une autre planète, ne sommes-nous pas? »

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Ce qui se dit n’est pas facile à trouver par écrit ou par témoignage véritable car le milieu ostréicole est secret. Ainsi, nous savons qu’une forte mortalité a touché l’étang de Thau, en cause, la Malaïgue (anoxie), les fortes chaleurs.

La mortalité sur les huîtres adultes est réelle et constatée, sans que l’on sache le pourcentage (20%? 30%?), pour cet été 2018. Mortalité sur les huîtres triploïdes… Y a-t-il un rapport avec la laitance de ces huîtres soi-disant stériles ?

Les huîtres sont de toute sorte et de toute variétés. Elles sont fossilisées dans les Pyrénées, elles sont portugaises (Cassostrea angulata), japonaises (Cassostrea gigas), perlières (Pinctada margaritifera), plates (Ostrea edulis), africaines (Cassostrea gazar), états-uniennes (Cassostrea virginica), et autres, elles ont toutes des particularités issues de leur milieu, elles résistent au temps qui passe, s’adaptent magnifiquement, malgré le temps qui passe, malgré les maladies.

Je ne sais pas, en revanche, s’il existe un gène contre la connerie humaine.

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Chez nous, le naissain a survécu comme rarement, il a fallu mettre des bouchées doubles pour pouvoir s’en occuper à temps, la végétation s’est éclatée, a pris ses aises, et les poches ont été retournées plus souvent aussi pour que les huîtres puissent « respirer ».

Depuis la fin de l’hiver, les pluies et ensuite la chaleur ont fait exploser les stocks de planctons car la croissance des huîtres est belle!

Peut-être que les autres années nos huîtres sont plus lentes à venir qu’en aval de la Ria, mais cette fois c’est le bonheur sur les parcs!

Avant hier à la marée, au retour de la semaine d’absence, nous constatons que les poches sont lourdes, que les rangées tournées il y a quelques semaines sont bonnes à refaire, que le bruit des poches quand on les tourne est doux à l’oreille, ça crisse, ça chante, la dentelle est grande, n’y touchons pas, ne cassons rien.

Nous travaillons depuis longtemps sur la densité des huîtres que nous plaçons sur les parcs, dans les poches ou au sol. Nous savons notre production par hectares. Nous savons que nous sommes six fois en dessous des densités conseillées, autorisées par la profession. Nous devons beaucoup marcher, c’est vrai, parce que nous sommes étendus, espacés, un passage de chaland entre chaque rangée, souvent pas plus de deux rangées, deux parcs plus garnis, des parcs « poussants » bien plats, un estran vaste qui laisse de la place entre le chenal et la côte.

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La herse a tellement travaillé qu’elle est bonne à changer. Les huîtres au sol, laissées en liberté ces deux derniers mois, sans voir le passage du râteau, font un tapis, il faut à nouveau espacer. Quand ces huîtres seront draguées, elles seront toutes à « décoller » car même le petit naissain de l’année dernière a survécu et s’est développé, formant de jolis bouquets. Je dis « joli » mais je sais le travail manuel que ça va représenter, énorme, du temps au tapis à détroquer, à mettre une à une, pour retrouver une harmonie.

Ainsi, même si nous n’entrons dans aucune case de la profession, même si à l’école on ne comprenait pas notre façon de faire (après tout, nous avons tellement de surface que nous ne produisons pas assez, paraît-il, nous avons tellement de main d’oeuvre que nous aurions du mettre la clé sous la porte, tankafer), même si on enquiquine, on survit, et même bien.

En remontant le courant, en sachant raison garder, en observant, en faisant et refaisant, au fil du temps, Jean-Noël a su trouver la méthode qui lui convient, celle qui respecte le produit et le milieu où elle se trouve.

Pourquoi donc aurions-nous de la mortalité avec des huîtres aussi heureuses, elles ont du boire et du manger à volonté, de la place pour battre des doigts de pieds?

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Jean-Noël a cessé de vouloir expliquer et convaincre, assez de battre des ailes de Don Quichotte, à présent il fait, dans son coin ou presque, et l’exemple un jour peut-être finira par porter ses fruits. En tout cas, ce blog est là pour ça (les émissions de-ci de-là aussi) et nous sommes heureux de constater qu’il est lu, beaucoup, enfin pas mal, (je me contente de peu parfois).

J’en profite pour dire que NON il ne faut pas chercher à augmenter la production et à vouloir retrouver les chiffres de 2008, ceux qui ont précédé les maladies mortelles de 2009! Nos instances nationales professionnelles ont un discours qui me fait bondir !

S’ils arrivent à ce qu’ils veulent, d’ici 5 ans, une autre crise viendra!

Il y a assez d’huîtres dans le milieu naturel pour contenter les gourmets et les gourmands!

Merci, non mais.

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Rendez-vous samedi à Plessé pour la fête de la vache Nantaise, avec des huîtres et un passage au micro de l’université paysanne, le temps de dire le rapport entre l’homme et la nature. Vaste sujet!

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4 commentaires

  1. Merci pour votre témoignage et les très belles photos. Vous avez cessé de chercher à convaincre ? J’y suis presque mais je vais encore chercher à le faire : les proliférations d’algues vertes et de planctons toxiques appartiennent à la même physico-chimie catastrophique qui induit des mortalités d’huîtres, de moules , etc.. et de toute la biodiversité. Car les « pathogènes » ne font que s’adapter à la situation « polluée » qui s’est accumulée localement. On peut cependant les « corriger » : Certes pas pour produire plus localement, mais pour produire mieux en toute quiétude pour le producteur et les consommateurs. ça vaut donc encore la peine de se décarcasser … Merci et bon courage ! JFLB

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