Voilà.
Le moment tant attendu est arrivé.
C’est l’heure du jour, de la semaine, du mois, où le maximum de bipèdes va déguster nos huîtres, en même temps. Il y aura une sorte de communion autour de la table, dans une fourchette de temps restreinte, et pourtant, cet instant va s’évaporer aussi vite qu’il aura demandé de patience à pouvoir se créer.
Vous êtes très nombreux, une grande majorité, à ne manger d’huîtres qu’à Noël et au réveillon de la fin d’année.
Cela peut-être pour vous, une petite aventure, d’aller chercher les huîtres, d’hésiter : quelles huîtres? quel producteur? quelle taille? Vous ne savez même pas si ceux qui seront autour de la table aiment les huîtres!
Vous savez juste que vous avez envie de faire plaisir.
Et, croyez-moi, il n’y a que ça qui compte!
Peut-être aussi, que vous n’aimez pas les huîtres. J’en faisais partie, ou plus exactement, je n’étais pas tentée. La première huître que j’ai vraiment appréciée, vous ne la gouterez pas souvent, c’est l’huître ouverte en fin de matinée, un jour où porter deux pulls ne suffit pas à réchauffer le bout des doigts gourds de trier les huîtres juste sorties de l’eau froide, une huître ouverte avec le couteau à détroquer, pas vraiment le genre d’outil de précision, par la maman de Jean-Noël, à qui je n’ai pas pu dire non.
Et là, mes papilles se sont mises à frétiller, curieuses de l’explosion de saveurs en bouche, ravies du frais qui rassasiait ma soif, du goût qui me donnait l’envie d’aller plus loin encore, c’était presque trop.
J’ai aimé cette huître, et j’aimais encore plus ce métier.
Pour que vous sachiez ce que vous mangez, d’où elles viennent, ce blog existe.
Et à Noël, tout le mois de décembre à vrai dire, l’activité du chantier et du bureau tourne autour des expéditions que nous faisons pour que chaque table qui le souhaite, et qui le peut, puisse avoir son plateau de nos cailloux, brillants et rafraîchissants.
Sur la photo artistiquement pointilliste de carreaux sales, le stock qui se fait, dans le bassin submersible, celui qui trompe l’huître, qui la fait rester plus longtemps à sec, pour qu’elle muscle son adducteur qui la maintient fermée, prête à partir en voyage, à rejoindre votre table. Les mannes ont des couleurs qui aident les amateurs à reconnaître les tailles ! En fait ça aide aussi les ostréiculteurs fatigués, qui ne savent plus réfléchir à une certaine heure de la fin de journée!
Chaque panier est étiqueté, ça c’est mon job, les étiquettes, puisque c’est moi qui ai les commandes, alors je compte, je date et j’agrafe les bourriches. Elles sont posées sur des palettes, jamais au sol, pour rester sèches et propres jusqu’à l’emballage. Ici, c’était notre premier petit lot.
Chaque jour, jusqu’à ce que les transporteurs ne livrent plus pour Noël, jusqu’à aujourd’hui donc, de l’emballage. Silence et concentration, on compte, on range bien comme il faut, on fait les palettes, puis on les filme. Le camion viendra les chercher à 7:00 le matin, à la lumière de la lampe de poche, en marche arrière jusqu’au figuier. Les voisins ont l’habitude, en décembre il n’y a pas de grasse matinée!
Les huîtres qui sont ainsi rangées, alignées, le creux vers le bas pour garder l’eau, ont trois ans au minimum, ou 4. Elles ont eu le temps de faire une belle coquille, naturellement au contact rugueux du sol, et faire de la chair aussi, beaucoup au printemps et en automne, à la chaleur et à l’eau douce si elle veut bien!
Cette année, les Cassostrea Gigas sont assez salées. Un déficit d’eau douce qui nous poursuit depuis deux trois ans. En mer, cette salinité élevée a fait croître une végétation particulière qui s’agrippe aux coquilles des huîtres, qu’on doit brosser quand il s’agit d’éponges ou gratter au couteau quand ce sont des algues. Deux fois plus long à trier et calibrer!
Le tracteur remonte avec une palette de poches levées à la marée. Il fait presque nuit, la lumière est trop belle pour qu’on passe à côté.
Après le passage en bassin submersible et avant d’être expédiées, les huîtres passent 48 heures dans les bassins insubmersibles, non recouverts par la marée. Ce sont des bassins de décantation et ils sont lavés à l’eau, à la brosse, au soleil, à l’huile de coude!
Demain matin, les derniers gros départs de Noël, et peut-être aurons-nous le même spectacle que ce matin, juste sublime, nul besoin de filtres, tout est là.
Tiens, il est bientôt 20:00.
Dans quatre jours, à 20:00, vous aurez peut-être commencé à ouvrir les huîtres qui sont parties ce matin du chantier.
Dans quatre jours, nous aurons fini un cycle de vie d’une huître, nous aurons fait notre taf, et nous pourrons dormir tranquilles.
La perle qu’il y a dans chaque huître, c’est le silence d’un moment partagé, ensemble…
Merci
😊😊😊
C’est beau. On verserait presque une tite larme. Tu as du coeur de métier.
Bon repos !!
Heureusement que c’est presque 😁
Belle fin d’annee à vous deux !
Belle description du rush de fin d’année et aussi photos magnifique… la nature t’aide un peu pour les couleurs mais çà ne suffit pas, il faut aussi l’œil et la classe de l’artiste !!
😘😘😘
Merci pour ce bel article ! 🙂