Peut-être l’avez vous déjà remarqué : le soleil est au nord ce que la pluie est au sud. On marche sur la tête.
Depuis avril, ici en Bretagne, la pluie est rare. Le temps gris oui, le brouillard, aussi, mais la pluie, nada.
Vous savez aussi qu’une huître grandi en fonction de plusieurs facteurs, hautement aléatoires comme nous le voyons cette année.
Qu’est ce qui fait grandir une huître?
Sa nourriture : le plancton, essentiellement, mais aussi les sels minéraux et les nutriments. C’est donc un mélange venu de la mer, mais aussi les apports de la terre qui alimentent une huître.
Pour que les sels minéraux et nutriments d’un bassin versant soient présents dans l’eau de mer, il faut de la pluie.
Une eau douce mais point stérile, puisque chargée de tout ce qu’elle va trouver en ruisselant dans les champs, sur les rochers, dans les racines des arbres, dans l’humus des feuilles, dans tout ce que donne la belle « terre nourricière » qui porte bien son nom.
Aujourd’hui, nous sommes le 31 octobre, le soleil brille, et les enfants encore en vacances, vont passer un bon moment de la journée dehors, en T-shirt. Pour un peu, ils se baigneraient, si leur mère, plus frileuse, n’avait pas peur qu’ils prennent froid.
Depuis le mois d’avril, rare est la pluie.
Dans tous les bassins ostréicoles français, du nord au sud, il manque cet apport d’eau douce qui, comme au printemps, apporte, en théorie en automne, une deuxième « pousse » de l’huître.
Toute la végétation qui pousse plus que l’huître!
Cette année, la théorie ne fonctionne pas. Ce manque d’eau douce a la conséquence suivante : de toutes les huîtres qu’on « lève » des parcs pour les trier, sur ces huîtres qui devaient faire du N°3, on constate environ 20 à 30% d’huîtres n’ayant pas atteint la taille adéquate. Il manque la pousse d’automne.
Les stocks sont donc moins importants qu’espérés.
Cela demande double travail : les huîtres trop petites doivent être remises en poches ou re semées, pour leur donner une chance de grandir encore un peu et être prêtes mettons, à partir de Pâques.
Sur les parcs, la végétation se développe toujours, des mousses persistantes s’accrochent à nos petits cailloux, il faut herser encore, avant de draguer les huîtres et tourner les poches une fois de plus pour éviter d’avoir à trier des algues et autres coquillages.
L’ostréiculteur marchant sur ses parcs
En attendant, dans les chantiers, on doit faire passer beaucoup plus de volume pour en retirer ce qu’il faut pour les commandes de Noël.
Nous n’allons pas compter nos heures.
On pourrait se dire : « mais alors, s’il y a moins d’huîtres, elles seront plus chères? »
Ça dépend si tu parles au producteur ou à la GMS (tu sais, les supermarchés aux supers promotions?)
Le producteur a souvent le couteau sous la gorge. L’année dernière, les prix en gros avaient fortement diminués (30% de moins). Ce qui a mené pas mal d’entreprises à une trésorerie exsangue. Le monopole des tous puissants face aux petites entreprises, les courtiers qui ne sont pas toujours nos amis puisqu’ils maintiennent des prix bas tout en se dégageant une belle marge, sont soumis à la loi de cette GMS qui ne tient pas compte de la réalité sur le terrain.
Une étude a été faite par un cabinet comptable qui donne un prix de revient de l’huître à 3€, le kilo, à la production (Toi, consommateur, tu payes en plus : le prix de l’emballage, la main d’oeuvre pour cet emballage, et le coût de transport).
L’an dernier, les huîtres se vendaient en gros à 2,7€ le kilo. Tu vois l’écart?
Toi, tu ne l’a pas sentie, cette baisse, parce que dans les grandes surfaces, la marge a été conséquente, et qu’en direct, tu ne peux pas et ne dois pas demander à ton producteur préféré de se suicider économiquement en vendant moins cher ses huîtres que ce que leur travail lui a coûté.
On parles des huîtres venues d’Irlande comme d’un danger, car du volume supplémentaire capable de faire descendre les cours. Mais ces huîtres là, sont produites par des français (avec une main d’oeuvre moins chère et des aides à l’installation plus importantes)! Et il y a équilibre entre ces huîtres importées, et celles qui sont exportées, en Espagne, Italie ou Chine, ou ailleurs, mondialisation ma chérie.
Bref, l’ostréiculture dans toute sa splendeur, loin des certitudes, toujours en renouvellement, de bonnes en mauvaises années, de surprises en surprises, avec un talent d’adaptation comme ligne de conduite, et quelques nuits blanches…
Nous avons la chance d’avoir des clients consommateurs, consom’acteurs, fidèles, qui comme toi, lecteur, cherchent à comprendre et à donner sa chance aux petites entreprises de garder la tête hors de l’eau.
Mais…
Les huîtres couvertes de mousses qu’il faut sécher et gratter pour qu’elles puissent tomber
Rien n’est acquis, et toujours il faut remettre son travail à l’ouvrage.
Un client que nous avons, un très bon, qui nous a permis en mai, de consolider un emploi temps plein dans l’entreprise, nous fait défaut : Biocoop a « oublié » de nous prévenir que dans le cadre de sa politique de « re localisation » le marché du sud serait dévolu à un autre ostréiculteur.
Je n’ai rien contre cette politique, si elle est anticipée, et si elle a du sens. Entre des huîtres de Bretagne venues à Sorgues et des huîtres venues d’Arcachon pour la même destination, je ne suis pas bien sûre que le nombre de kilomètres soit très différent (si tu sais que les huîtres vendues à Arcachon ont probablement passé une bonne partie de leur vie en Bretagne ou Normandie, là où grandissent toutes les huîtres…)
Tu sais qu’il faut trois ans pour produire une huître, c’est donc de l’anticipation, beaucoup d’anticipation. Les marchés Biocoop dans le sud, c’était 60% de nos volumes Biocoop. Nous avions 5,7 tonnes l’an dernier. Nous aurons 2 tonnes cette année. Vois-tu.
Un marché que nous avions développé, avec cette communication que vous avez là, sous vos yeux, et avec un travail de qualité qui faisait notre succès et augmentait les commandes d’année en année. C’est un autre qui va profiter de ce travail, nous l’avons un peu mauvaise.
Ainsi, chers clients Biocoop du sud, vous n’aurez plus d’huîtres de Bretagne dans vos boutiques Biocoop, sauf à passer en direct avec nous. Vous verrez sur ces bourriches, un nouveau logo et celui du label AB.
Ce label, en ostréiculture, qui, comme dit Jean-Noël est une grande lessiveuse : »quand tu laves du gris, du noir et du blanc, à tout passer à la lessive AB, tu obtiens du blanc ». Voir mon article précédent, où l’on apprend que, pour l’instant, le label AB utilise des huîtres d’écloseries, ces écloseries qui vendent au moins 80% de triploïdes.
Sans vouloir jeter l’opprobre.
Voilà, comme nous le faisons depuis toujours, en toute transparence, nous disons les choses comme elles sont au lieu de les taire.
Nous préférons les mots aux silences et non-dits dont on sait le mal qu’ils peuvent faire.
Nous préférons l’éthique et la qualité à un emballage trop joli pour être vrai. Ce qui nous fait peut-être défaut aujourd’hui.
Nous agissons collectivement, car nous pensons qu’à plusieurs on est plus forts, mais il faut continuer à se battre commercialement pour continuer à exister.
Nous avons donc la possibilité de vendre en direct à qui veut, du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, mais pour que tu t’y retrouves dans le coût de transport, il faut prévoir un volume minimum de 80 kg. (dans un kilo il y a environ une douzaine de N°3).
Au fond, c’est pas grand chose, si tu as 80 amis 🙂
N’hésite pas, il paraît que j’ai un téléphone greffé à ma main… Les coordonnées de notre géniale toute petite entreprise (on est 3, Jean Noël, Louis et moi) sont en haut quelque part sur la droite.
A très vite.
Suite à un article de Paris Match, ma femme m’a appris l’existence des huîtres triploïdes… J’en ai parlé au patron de la Biocoop d’Ahuy, un Breton d’origine !!! qui ne connaissait pas non plus…actif et doublement sensibilisé, il a commandé vos huîtres : un régal ! Nous avions renoncé à ce met délicieux car au marché, on n’avait qu’une bête minuscule dans une coquille d’eau de mer ( et encore quand il y en avait ! ). Depuis en fin d’année et à Pâques, on se régale !
J’espère que je ne suis pas le seul à avoir une « tête de cochon », mais quand je ne trouve plus le produit cherché, je cherche ailleurs et si je ne trouve pas, je m’en passe !!!
Dommage que les Français se plaignent tout le temps mais ne font aucun effort pour faire évoluer la situation : nous consommons essentiellement bio et le maximum en direct de fermes bio- véritable écolo – mais on en parle autour de nous…sans résultat…hélas !
Longue vie à vous et un grand merci !